"La Botanique A L'Exposition Universelle -- Les Arbres Nains Du Japon" by Paul Maury


        Paul Jean Baptiste Maury (1858-1893) was a French botanist who either collected or described specimens from the Himalayas (1886), Algeria (South-Oranian, 1888), Ecuador and Columbia (Nouvelle-Grenade, 1888), Paraguay (1890), and Mexico (1891). 1

       Une des parties les plus intéressantes de la section del'Horticulture, au Tracadéro, est certainement le petit enclos de bambous où est installé le jardin japonais.  Les visiteurs qui entrant dans cet enclos sont surpris à la fois par la partitesse, la grosseur, la difformité et l'àge des plantes exposées là, dans ces pots de porcelaine brillante, si appréciés aujourd'hui.  En effet, si on cherche sur l'étiquette l'àge sur les plantes dont la hauteur atteint à piene 60 centimètres, dont le tronc parait avoir au plus 6 ou 8 centimètres de diamètre, on lit avec étonnement les chiffres de 80 ans, 100 ans, 110 ans et même davantage!  En examinant la plante avec attention, on ne tarde pas à voir que souvent ses racines contournées s'élèvent au-dessus du sol et sontiennent le tront tout entier hors de terre; que presque tout les rameaux sont attachés par de petits liens en fibres de bambou, de manière à les rendre sinueux, à leur faire décrire des zig-zags nombreux, à les rapprocher le plus possible du tronc, sans cependant les trop éloigner de leur situation habituelle.  L'ensemble de la plante offre un aspect étrange, tordu, contournée, difforme et pardessus tout excessivement nain.  Ainsi, on trouve dans le jardin japonais des Pins, hauts de 40 à 60 centimètres, qui, dans la nature, atteignent 10, 20, 30 mètres ou plus de hauteur; des Erables en grand nombre, variant entre 30 et 80 centimètres, alors qu'ordinairement ils dépessant 10 ou 12 mètres; des Chènes entin, réduits à 40 ou 50 centimètres tandis qu'ils devraient avour de 15 à 25 mètres.

Fig. 1. -- Paysage nain sur tablette et supports en fragments de troncs do fougère arboros-
cente, composé de 7 espèces différentes.  Thuyopsis deolabrata, Pinus densiflora, Juniperus chi
ensis
, Rhododendron, etc.


       Du reste, le nombre de ces arbres nains est relativement considérable et leur variété très grande.  On peut, en effet, voir dans le jardin japonais des Conifères: Pinus densiflora et P. japonica ; Thuyopsis deolabrata (Kifu-asunaro'), Podocarpus Nugeia (Fuiri-nagi) et P. macrophylla (Kakuhamaki), Ginkgo biloba (Ginkgo), Cupressus corneyana (Itohiba), Juniperus chinensis (Fuiri-ibuki) et divers Taxus et Cephalotaxus; des arbres Dicotylédones: Quercus cuspidata (Fukurinshii), Q. phillireoides (Tuiriimamegashi), Trachelospermum jasminoïdes (Fuiri-chirimenkatsum), Temstræmia japonica (Mogoha- [142] chimokkoku), Pittosporum Tobira (Fuiri-tobera), Ticus Niponica (Himeitabi), Nandina domestica, représenté par neuf variétés dont il n'est pas sans intérèt de conserver les noms  1. Maidanenten.  2.  Kinshitsurunanten.  3.  Shiromiyakkonanten.  4.  Kinshinanten.  5.  Kusimotonanten.  6.  Tourunanten.  7.  Tsukubananten.  8.  Shiromibokinshinanten.


Fig. 2. -- Thuyopsis deolabrata, âgé de 112 ans.

Fig. 3. -- Thuya, âgé de 80 ans;
support en fragment de Fougère.


       Par quels procédés les horticulteurs japonais obtiennent-ils ces arvbres nains?  Ce fait a plus d'une fois excité la curiosité des naturalistes.  Déjà, a l'Exposition universelle de 1878, les arbres nains de la section japonaise, moins nombreux et moins variés que ceux de l'Exposition actuelle, ont attiré l'attention des botanistes et des hortilcultuers français.  M. Carrière, dans un article publié par la Revu Horticole (1878, pg. 271), émit divers hypothèses sur les moyens employés pour obtenir cette nanisation, suivant son expression.  Il attribua avec raison une grande influence au contournement et à l'attachage de toutes les branches.  Il crut, à la suite d'expériences, pouvoir indiquer comme autre moyen de nanisation l'enlèvement méthodique d'un certain nombre de feuilles, ce qui réduit la survace assimilatrice de la plante et ralentit son développement.  Cette année, les arbres nains du Japon ont encore provoqué les réflexions des botanistes et tout récemment, dans la dernière séance de la Société botanique de France, M. J. Vallot s'est occupé de la question.  Comme M. Carrière, il reconnaît l'influence de l'attachage, mais il admet en outre un autre procédé: la taille des rameaux primaires et des racines, combinée, lorsque cela devient nécessaire, avec le greffage.

Fig. 4. -- Pinus japonica, âgé de plus de 100 ans.

Fig. 5. -- Cephalotaxus, âgé de 90 ans.

Fig. 6. -- Nandina domestica, rameaux en
fruits greffés sur en tronc âgé de 70 ans.


       J'ai eu la bonne fortune de faire la connaissance à l'Exposition de M. Saichiro Takuda, attaché à la section botanique du Musée impérial de Tokio.etdeM. Kasawara, exposant des arbres nains.  Tous deux, avec une obligeance et un désintéressement dont je suis heureux de pouvoir les remercier ici, ont bien voulu nie donner de précieux renseignements sur les procédés employés par les horticulteurs japonais pour obtenir leurs arbres nains.

Fig. 7. -- Ginkgko biloba, tronc âgé de 60 ans.


       Les piaules que l'on destine à rester naines semées et élevées dans de petits pots jusqua ce que leurs racines, ayant absorbé la terre qu'ils peuvent contenir, les remplissent exactement.  On change alors les plantes de pots, mais les nouveaux n'étant guère plus grands (pie les anciens, les racines les ont bientôt complètement remplis.  On rempote encore dans d'autres pots un peu plus grands, et ainsi de suite indéfiniment.  Ainsi gêné dans son développement et privé d'une nourriture suffisante, car la quantité de terre du pot est très faible et l'on n'arrose que juste assez pour entretenir la vie, le pivot des piaules soumises à ce traitement ne tarde pas à s'atrophier, à se détruire même, tandis que les radicelles, gênées elles aussi, ne peuvent se développer ni en quantité suffisante, ni assez vite pour le remplacer.  Cette pratique parait être la plus iniporsont tante de celles qu'emploient 1rs horticulteurs japonais et l'on conçoit qu'elle ralentisse la vie et modifie notablement le port des plantes sur lesquelles on l'exerce.  C'est à elle qu'est du l'exhaussement du tronc hors du sol par les racines serrées dans un pot trop étroit.
       Le second procédé consiste à empêcher autant que possible les rameaux de s'étaler librement dans l'atmosphère.  Pour cela, on les attache de bonne heure, soit au tronc, soit entre eux, et on les reploie sur eux-mêmes un grand nombre de fois en zig-zag.  L'arbre présente alors une forme globuleuse, ovoïde, conique ou pyramidale et ne croit plus que péniblement, grossissant lentement.  Souvent il arrive qu'un rameau meure à la suite d'un contournement et d'un attachage.  On le coupe alors, et au-dessous de la section, un rameau latéral se développe, qui remplace le premier.  Mais, à part ce cas, jamais on ne taille les arbres en traitement, jamais on n'enlève de leurs feuilles pour diminuer l'évaporation ou l'assimilation.  Les feuilles, d'ailleurs, restent petites chez les Conifères ou se développent mal et durent peu chez les Dicotylédones.
       Quelles que soient les plantes soumises à l'expérience, les procédés sont les mêmes.  Mais il s'en faut de beaucoup que le résultat soit identique pour toutes.  On remarquera aisément, au Jardin japonais, que les Conifères se sont, mieux que les autres plantes, prêtées à la nanisation et ont atteint la forme que l'horticulteur a voulu leur donner.  Le Ginkgo seul fait exception et se rapproche des Dicotylédones.  Celles-ci sont rebelles au traitement par suite de leur facilité à produire des bourgeons latéraux et adventifs destinés à remplacer les rameaux arrêtés dans leur développement par Panachage.  Cependant, avec une opiniâtreté et une patience vraiment remarquables, les horticulteurs japonais arrivent à les naniser.  Ils ne cessent d'attacher les jeunes branches au fur et à mesure qu'elles se développent; ils coupent les rameaux morts et, par le greffage, les remplacent si la plante en vaut la peine et si le vide produit par leur enlèvement porte trop d'atteinte à la forme générale qu'ils veulent obtenir; enfin, ils emploient ici un dernier procédé: ils font tourner la plante autour d'un support comme si elle était volubile.  Les supports sont de deux sortes: tantôt ce sont de grossiers fragments allongés d'un tronc de Fougère arborescente, probablement une Cyatheacée, tantôt des fragments de polypiers, madrépores, etc., dont les formes contournées s'associent davantage avec celles des arbres.
       Il arrive souvent qu'à force de tourmenter les rameaux, tous meurent.  On les coupe tous alors, et sur le tronc plus ou moins gros, noueux, difforme, on greffe de jeunes branches.  C'est ainsi que se présentent, par exemple, presque tous les Xandina énumérés plus haut.
       Ainsi, les procédés pour obtenir la nanisalion se résument à deux: la gène imposée aux racines et le contournement des rameaux.  Un horticulteur français pourrait les mettre en pratique, mais ce qu'il ne pourrait faire, c'est de conserver une plante pendant des années, pendant un siècle, en lui accordant chaque jours des soins minutieux et pleins de patience pour le seul plaisir de la rendre naine, d'en faire un monstre.  Bien que les arbres japonais se vendent un prix assez élevé, qui n'a certes rien d'exagéré eu égard aux soins et au temps qu'ils ont coûtés, nos horticulteurs n'en trouveraient pas la vente assez rémunératrice. 2




NOTES

1    Knobloch, Irving William  "A preliminary verified list of plant collectors in Mexico," http://www.archive.org/stream/preliminaryverif00knob/preliminaryverif00knob_djvu.txt.

2    Maury, Paul,  "La Botanique A L'Exposition Universelle -- Les Arbres Nains Du Japon," La Naturaliste, Paris, V. 11, N. 33, 15 Juin 1889, pp. 141-143.





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